Roumanie

Traces d’arpenteur

Pure Roumanie par Jean-Hugues Larché

Au cœur des Carpates, le regard du photographe se confronte au mystère avec sa vision calme et aiguisée. Il cherche à capter ce mystère en fine granule noir et blanc. Dans une pièce cossue à tapisserie d’aigle héraldique et tableau de maitre, un rideau se relève étrangement.

En 2003, à Bucarest, comme chaque hiver, la neige a pris la ville et sa banlieue. Tout paraît silencieux et dépouillé. Une voiture est recouverte d’une toile blanche comme emballée par Chisto. Quelques femmes à foulard circulent étrangement autour d’une église, la plus proche tient des plantes à la main. Le gros plan d’un enfant au visage flouté nous sourit de face. Deux religieux à toques noires contemplent attentivement une vieille fresque d’icones. Tout paraît silencieux, mais non. Le culte des icones a allumé et ravivé ses mille bougies. Un drôle de pèlerin à capuche et bâtons de marche qui semble venir de nulle part, fixe l’objectif. Cinq prieurspsalmodient de concert devant un pupitre.

A Corbenie sur son piédestal, une sorte de Zeus sculpté, raide comme une marionnette, tient une foudre de fer dans chaque main au-dessus de sa tête. Sur le tapis lisse et pâle de neige, une dizaine d’arbustes émerge de la campagne hautement enneigée. Un homme regarde des canards regroupés dans le ruisseau glacial. Des gardiens de moutons boivent gaiement ce qui les réchauffe.

En Gare de Sighetu Marmației, un train vétuste laisse échapper sa vapeur décompressée sur le quai. Ailleurs, un ébéniste assis sur le coin de son atelier, façonne sa pièce d’œuvre. Des écoliers se bataillent à coups de boules de neige Un coq court sans laisser de trace dans la neige, un homme découpe un cochon en extérieur. Il y a une scène dansante où les convives rient. Une jeune fille assise sur un traineau attend qu’un garçon l’amène. Un homme trapu, emmitouflé, se campe fièrement devant sa maison. Une croix au Christ peint, entourée d’une grille, se détache dans le blanc parfait du paysage.

A Bucarest où ailleurs en Roumanie, nul buveur de sang ne frémit dans le voile du rideau, ni ne montre ses canines. Le pays immaculé est protégé des vampires. Le photographe en a saisit l’essentiel ; les belles figures singulières de ses habitants, leurs actions quotidiennes et la pureté du paysage.